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Les 280 mm Français face au Mont Chaberton
Ven 14 Juil 2017 - 12:46
Bonjour ! Je poste ici mon sujet sur l'attaque du Mont Chaberton, s'il le faut je le déplacerais dans "Les Grandes Batailles"
Le Mont Chaberton, en 1940, est un sommet des Alpes Italiennes culminant à 3100m d'altitude.
A cette époque, un fort abritant 8 tourelles équipées chacune d'un canon de 149mm était présent.
Ces canons étaient tournés vers la France et plus précisément sur Briançon.
L'ouvrage avait été achevé en 1910 et faisait la fierté des Italiens,
qui surnommèrent parfois ce fort le "Cuirassé des Nuages", et était alors réputé pour
être le plus haut et le plus puissant du monde.
Peu de temps après la déclaration de guerre de l'Italie, l'Armée Française décide de faire venir 4 mortiers de 280mm modèle 1914 Schneider.
Je laisse le lieutenant Miguet nous raconter le duel qui opposa la batterie Française de mortiers de 280 au fort Italien de Chaberton :
(Je précise que tirant ce témoignage d'un livre et ne l'ayant pas trouvé sur Internet, je le réécris entièrement à la main ^^)
"Mes mortiers de 280 se trouvent à environ 2000 mètres d'altitude et doivent atteindre un objectif, le fort Italien de Chaberton, situé à 9 kilomètres de là et 1100 mètres plus haut, en lui expédiant des obus d'un poids moyen de 250 kg.
C'est le 21 juin 1940 au matin, que, je constatai l'entrée en action du Chaberton. Cette activité m'est d'ailleurs signalée par le fort Janus qui, non seulement note les départs de coups, mais reçoit des projectiles. Le commandement, alerté, me demande aussitôt de tirer. Malheureusement, le Chaberton est dans la brume. D'autre part, les mortiers de 280 n'ont jamais tiré. Ce matériel, très précis, mais dont on ne connaît pas la dérivation, ne peut faire que des tirs observés. Impossible de tirer dans ces conditions sans observation et sans réglage préalable. Le commandement, prévenu des difficultés, me demande, pour tirer, de profiter de la première éclaircie. Cette éclaircie se produit vers 10 heures. J'alerte aussitôt la section de Poët-Morand, dont les pelotons n'attendent que le commandement "Feu" pour tirer. J'éprouve une certaine émotion au départ du premier coup. Pour beaucoup de canonniers, c'est véritablement le premier coup. Mais j'entends le bruit sourd du départ et, 60 secondes après, j'observe un superbe éclatement sur les pentes du Chaberton. Le premier coup est tombé là où je l'attendais.
Désormais, il ne reste plus qu'à les déplacer et à les amener au bon endroit. Les deuxième et troisième coups se rapprochent de plus en plus des tourelles. Malheureusement, la brume revient et je dois attendre 15h30 pour reprendre le tir. Enfin, je vois. Il n'y a plus une seconde à perdre. Les deux sections de mortiers : celle de Poët-Morand et celle de l'Eyrette entrent immédiatement en jeu, les éclatements apparaissent, un petit nombre sur le glacis, le plus grand nombre sur la plateforme supérieure du Chaberton au voisinage des tourelles. Un observatoire, auquel je suis relié, m'indique les coups longs qui, pour mon observatoire, sont visibles. D'autre part, le Janus avec lequel je suis en liaison m'indique le résultat de ses observations. Aux chiffres brutaux : "A droite, tant. Site plus bas", s'ajoutent les appréciations plus concrètent : "La cinquième tourelle en prend un bon coup." De mon côté, je peux juger ainsi que mon observateur des résultats des premiers tirs. Au milieu des éclatements des 280, on aperçoit toujours la lueur des départs des 149 Italiens. Les 280 seraient-ils dont impuissants ?
J'améliore mes éléments déjà très approchés et je multiplie les coups. Alors, c'est un véritable duel que se livrent les deux adversaires, un duel poignant et grandiose. Manifestement, le Chaberton n'a pas repéré cet adversaire qui l'inquiète, car il tire sur le fort des Têtes. Ce duel va devenir de plus en plus acharné. A 17h30, un éclatement apparaît au niveau de la troisième tourelle et provoque une immense fumée d'une hauteur démesurée qui apparaît malgré la brume et persiste une vingtaine de secondes. Il s'agit sans doute d'une explosion de munitions. Les tourelles redoublent d'activité, elles tirent à la cadence maximum. Les artilleurs ont-ils l'impression que l'heure de leur agonie approche et veulent-ils profiter au maximum des derniers instants qui leur restent ? Malgré les éclatements de plein fouet et dans les conditions certainement très dures, le Chaberton tire toujours. Mais à 18 heures, un nouveau coup, celui-là très dur et tangible, lui est porté. Un projectile vient de tomber sur la troisième tourelle dont les tôles volent en éclats à plusieurs centaines de mètres. Des flammes s'échappent suivies de fumée. Quand celles-ci sont dissipées, on peut constater que la troisième tourelle a disparu et que la physionomie du Chaberton a changée. Dès lors, les tourelles ne tirent plus ou presque.
A 18h15, un coup tombe près de la deuxième tourelle, provoquant vraisemblablement une deuxième explosion de munitions, car une fumée noire bien distincte de l'éclatement apparaît et reste visible pendant vingt secondes. Vers 18h30, un éclatement majestueux, juste au niveau de la partie supérieure du Chaberton, forme un immense chapeau qui le coiffe entièrement, étrange auréole qui ressemble à celles des martyrs. A 19 heures, un coup tombe sur les cinquième et sixième tourelles, laissant apparaître entre elles un amas de pierres et de ferrailles. Quand je reçois alors du colonel commandant le secteur fortifié du Dauphiné, avec les compliments pour la 6è batterie, l'ordre de cesser le feu, j'essaie de faire le bilan de cet après-midi. Les deux sections ont tiré à elles deux 57 coups. Le tir a duré 3 heures 30. Les pertes de la 6è batterie sont rigoureusement nulles. Il n'en est pas de même en face : une tourelle a disparu : la troisième ; une autre a été nettement touchée : la huitième ; une autre penche lamentablement : la cinquième. N'y a-t-il pas d'autres dégâts invisibles de nos observatoires ? C'est ce que j'espère sans l'avouer et qui d'ailleurs me sera confirmé par la suite. Sans la brume opiniâtre qui n'a cessé de se montrer pendant l'après-midi, gênant considérablement l'observation, deux heures auraient vraisemblablement suffi, non seulement à obtenir les mêmes résultats, mais probablement à mettre hors d'usage les huit tourelles. J'espère être plus favorisé par le temps les jours suivants".
(Coup au but sur une des tourelles du Chaberton)
(Tourelle endommagée)
(Tourelle disparue, probablement la troisième évoquée par Miguet)
On peut tout de même noter que dans l'incertitude des tirs, le colonel Spartaco Bevilacqua, commandant de la garnison du fort, aurait très bien pu riposter sur la ville de Briançon, ce qu'il décida de ne pas faire.
Voilà c'est tout pour cet article Le récit de Miguet vient du livre "Comme des Lions" de Dominique Lormier, que je vous invite à lire si ce n'est déjà fait (pour ceux qui sont de la rencontre en août et qui sont intéressés par le livre faites le moi savoir je me ferais un plaisir de vous le prêter).
- InvitéInvité
Re: Les 280 mm Français face au Mont Chaberton
Ven 14 Juil 2017 - 13:47
Très bel article bien détaillé, merci.
Visiblement, les Italiens avaient eux aussi un goût bien prononcé pour la démesure.
Visiblement, les Italiens avaient eux aussi un goût bien prononcé pour la démesure.
- novi62_filsResponsable recrutement [REM] - Communauté Gaming
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Re: Les 280 mm Français face au Mont Chaberton
Ven 14 Juil 2017 - 18:39
"Belle" histoire, je ne pensais pas que d'aussi gros calibres puissent être aussi précis à l'époque
- SokolovFondateur et administrateur [REM]
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Re: Les 280 mm Français face au Mont Chaberton
Lun 17 Juil 2017 - 16:56
Excellent témoignage, sur un front en général oublié en 1940 et sur un sujet qui passe souvent à la trappe, l'usage de l'artillerie lourde / de siège dans cette période de guerre mobile. Très bon sujet!
Re: Les 280 mm Français face au Mont Chaberton
Lun 24 Juil 2017 - 15:43
Voici une vidéo en lien d'un Youtubeur auquel je suis abonné, vraiment impressionnant ce fort !
- InvitéInvité
Re: Les 280 mm Français face au Mont Chaberton
Ven 28 Juil 2017 - 19:44
Wow en effet, l'intérieur enneigé :/ Faudra que j'aille (ou on ? :) y faire un tour, j'adore la rando en plus
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