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Prisonnier volontaire à Auschwitz
Ven 18 Nov 2016 - 17:42
Witold Pilecki, un prisonnier volontaire à Auschwitz
Witold Pilecki est né le 13 mai 1901 à Olonets en Russie, ville située à environ une quinzaine de kilomètre de la rive est du lac Lagoda. Il est issu d’une famille aristocratique polonaise, particulièrement patriote. Son grand père, Josef Pilecki, a ainsi été interné pendant sept ans dans les camps de travail de Sibérie pour sa participation à l’insurrection polonaise de 1863-1864 (Insurrection de janvier). Son père, Julian Pilecki est forestier près d’Olonets, situation qui lui permet d’échapper aux répressions organisées par l’Empire Russe contre les personnes d’origines polonaise vivant en Russie.
Witold Pilecki est le troisième enfant d’une fratrie comptant cinq frères et sœurs. Son frère ainé, Josef, décède cependant à l’âge de 5 ans.
En 1910, la famille Pilecki déménage à Vilnius, ou Witold suis une formation commerciale. En parallèle, il s’inscrit à partir de 1914 dans une organisation scoute, Cette dernière étant considérée comme illégale par le gouvernement tsariste. Suivant son groupement scoute, Witold pars de Vilnius en 1915 pour aller à Orel, Il y restera jusqu’à la fin de la première guerre mondiale.
En 1917, la révolution Russe va permettre aux formations scoutes polonaises de sortir de l’illégalité. Malgré tout, les scouts ne sont pas particulièrement appréciés tant des communistes que par les Tsariste. Cette situation, ainsi que la création d’un état polonais indépendant, va pousser Witold Pilecki à quitter Orel pour la Pologne.
Excellent cavalier, et suite à ses antécédents dans le scoutisme, Witold Pilecki est intégré dans l’armée polonaise, comme soldat au 211ème régiment de Uhlan du deuxième corps d’Armée. Il participe ainsi à la guerre de 1920, ou il se distingua notamment durant la bataille de Varsovie. Il recevra par deux fois la croix de la bravoure (Krzyz Waleczny) pour ses actions durant la Guerre. En 1921, suite au traité de paix signé entre la Pologne et l’URSS, il est démobilisé et versé dans la réserve militaire. Cette démobilisation lui permettra de passer son baccalauréat la même année.
En 1922, il entre à l’Université de Poznań pour y entreprendre des études d’agriculture. Il effectuera en parallèle, et pendant un bref instant, un cursus à l’Ecole de beaux Arts « Stefan Báthory » à Poznań.
Durant cette même décennie, la famille Pilecki reçoit de nombreux territoires dans l’est de la Pologne, ce qui permets à Witold de vivre relativement confortablement durant ses études. Witold Pilecki y éduquera ses deux enfants.
En 1934, après avoir fini ses études, il est sous-lieutenant réserviste au 26ème régiment d’Uhlan à Baranowice. Il rencontre à ce titre le maréchal Edward Rydz-Smigly, qui sera son voisin pendant de nombreuses années. Ce dernier incorporera Pilecki dans les services de contre-espionnage polonais, à un poste malheureusement inconnu. Il restera dans le contre-espionnage jusqu’au début de la Seconde Guerre Mondiale.
- Witold Pilecki en 1939:
La Deuxième Guerre Mondiale.
En Aout 1939, Witold Pilecki est mobilisé et est incorporé comme officier de cavalerie au sein du 19ème régiment d’infanterie, puis ensuite au 41ème régiment d’infanterie. Le 17 octobre 1929, il démobilise son escouade et entre dans la clandestinité.
Après la capitulation Polonaise, il rentre à Varsovie ou il participe le 9 novembre 1939 à la création de l’une des premières organisation de résistance Polonaise, l’Armée Polonaise Secrète (Tajna Armia Polska), qui sera plus tard incorporé dans l’Armée de l’Intérieur (AK-Armia Krajowa). Le 19 novembre 1939, il est choisi comme Inspecteur (précision : dans le but d’organiser l’Armée Secrète Polonaise, il était pas policier). Il sera ensuite nommé chef d’Etat Major, puis Inspecteur général. A ce titre, il participera à l’organisation de nombreux dépôts secrets d’arme, de munition, documents ou objets de valeurs. IL ira même jusqu’à créer un dépôt secret d’arme dans sa propre maison.
Au début de l’année 1940, plusieurs membres de la TAP furent arrêtés par la Gestapo et envoyé à Auschwitz. Grâce au récit envoyé par les membres arrêtés, l’organisation portera son attention sur ce camp de concentration.
Malheureusement, la résistance polonaise ne possédait que très peu d’information sur ce qui se passait dans le camp, et les très succinctes lettres envoyés par les membres de la TAP ne suffisaient pas à éclairer la situation. Il fut donc décidé d’envoyer un espion à Auschwitz, dans le but de recueillir le maximum d’information sur la situation à l’intérieur du camp.
Selon certaines sources, Witold Pilecki serait lui même à l’origine de l’idée d’infiltration du camp. Il se porte volontaire pour cette mission, qui peut être qualifié, avec les connaissances que l’on a actuellement d’Auschwitz, de mission suicide. Il fut le seul à se porter volontaire pour cette mission.
La TAP créera des faux documents pour Witold Pilecki, qui sera interné sous le nom Tomasz Serafinski, habitant de Cracovie, et supposé mort durant la campagne de Pologne. Cette identité lui permettait à la fois de protéger sa famille, mais également devait faciliter son arrestation et son envoi au Auschwitz, la Gestapo s’intéressant particulièrement aux soldats polonais démobilisés ayant participé à la campagne de Pologne.
Dans le but de se faire arrêter, Witold Pilecki ainsi que la TAP entreprirent d’analyser pendant des semaines le fonctionnement de la Gestapo ainsi que le système mis en place par l’occupant afin d’arrêter les opposants. L’occasion se présenta le 19 septembre 1940, lors d’une rafle organisée à Varsovie dans les quartiers de Zoliborz, Grochow, Kolonia, Staszic et Lubeck. Witold Pilecki se rendit ainsi dans l’appartement de sa cousine, habitant l’actuelle Allée de l’Armée Polonaise dans le quartier de Zoliborz à Varsovie. Lors de la perquisition par les allemands, il sortit volontairement de sa cachette, et se présenta aux officiers de la Gestapo comme Tomasz Serafinski, ancien soldat.
Auschwitz :
- Arbeit Macht Frei": Le travail rend libre. Inscritption sur le portail d'entrée, on remarque que l'inscription est relativement ironique, car les prisonniers étaient obligés de travailler dans des conditions extrêmement difficile:
Witold Pilecki arriva à Auschwitz dans la nuit du 21 au 22 septembre 1940 avec le deuxième transport de Varsovie. Il fut enfermé sous le matricule 4859. Il créera dès le départ une organisation de résistance, appelé ZOW (Zwiazek Organizacji Wojskowej). Cette dernière avait 5 objectifs :
-entraide psychologique des membres
-faciliter les communications entrantes entre les prisonniers et l’extérieur, notamment avec les familles, ainsi que transmettre des informations de l’extérieur de la prison (notamment sur l’avancement du conflit)
-vol de nourriture, de vêtement, ainsi que répartition de celle-ci entre les membres du réseau
-renseignement et transmission d’information depuis le camp à destination de la résistance.
-préparation de bataillon pour une prise de contrôle du camp dans le cadre d’une éventuelle attaque depuis l’extérieur par les organisations de partisans, et en parallèle de parachutage d’arme et de nourriture.
- Photo d'Identité de Witold Pilecki a Auschwitz:
Le ZOW a été organisé sous une forme dite « échelon de cinq », bien que ce chiffre ne reflète pas le nombre exact de membre dans chaque échelon, ni le nombre d’échelon. Le plus haut était composé de membres qui avaient la confiance absolue de Pilecki. Chaque membre d’échelon connaissait les membres de l’échelon inférieur, ainsi que le « chef » direct de l’échelon supérieur, mais ignorait tout des autres échelons. Les informations remontaient donc de cette manière jusqu’à la plus haute chaine de commandement, qui avait une vision globale de l’organisation, sans pour autant craindre une infiltration généralisés de la ZOW et de tous ces échelons (situation très peu probable vue l’opacité).
Selon Pilecki lui même, « Chaque « cinquième » ne connaissait rien des « cinquième adjacents et supposait qu’il était le chef de l’organisation. Elle pouvait ainsi se développer indépendamment des autres, ayant des embranchements poussant aussi loin que le permettait l’imagination des membres des échelons inférieurs »
- Entrée d'Auschwitz depuis l'intérieur:
A la fin de l’année 1942, ce système fut remplacé par un système basé sur l’organisation militaire, avec des bataillions, compagnies et pelotons, chacun possédant sa propre zone dans laquelle il devait agir (zone, entendez zone du camp). Cette organisation avait pour but de faciliter un soulèvement des prisonniers contre les SS du camp.
La fin de l’année 1940 fut marquée par les premiers envois de rapport par Witold Pilecki à la résistance, rapports transmis à leurs tours par la résistance aux alliés à travers la Suède. Les informations sur la situation dans le camp furent également transmises à l’Etat major de l’AK grâce à des évadés d’Auschwitz.
L’une des plus spectaculaire évasion de membre de la ZOW fut organisés le 20 avril 1942 ou Eugeniusz Bendera, Kazimierz Piechowski et le lieutenant Stanislaw Laster prennent la fuite en volant de uniformes SS allemands, et en utilisant la Steyr 220 personnel de Rudolf Höss, commandant du camps d’Auschwitz. L’organisation ZOW participa activement à l’évasion des prisonniers, notamment par le vol des uniformes SS.
Evasion d’Auschwitz :
Dans la nuit du 26 au 27 avril 1943, Witold Pilecki, ainsi que deux compagnons, Jan Redzej et Edward Ciesielski, réussirent à s’enfuir de la boulangerie ou ils travaillaient de nuit. Leur fuite va les conduire jusqu’au village de Nowy Wisnicz, ou il rencontrera le véritable Tomasz Serafinski, qu’il avertira des possibles représailles de la Gestapo suite à leur évasion du camp. Ce dernier contacta la division régionale de l’AK, afin de les prévenir de la volonté de Pilecki d’organiser une attaque sur le camp d’Auschwitz afin de libérer les prisonniers. Un membre de l’état major de l’AK, Stefan Jasienski, fut envoyé par la suite dans la région afin d’étudier les possibilité d’attaque du camp, mais celle-ci fut considéré comme impossible, en raison du nombre important de SS qui gardaient le camp (entre 6 500 et 8 000 hommes), ainsi que par la présence d’importante force militaire et de police dans les villages avoisinant.
- Plaque de commémoration à Nowy Wisnicz:
Fin de la guerre et condamnation à mort.
A la fin de l’année 1943, Witold Pilecki revint à Varsovie afin de préparer l’insurrection de 1944. Il combattit dans les rangs de l’AK durant l’insurrection, mais fut fait prisonnier et enfermé au stalag 344 Lamsdorf, puis à l’oflag VII près de Murnau.
En mai 1945, il fut libéré par les forces alliés, et présenté au général Anders, ainsi que au chef d’Etat Major de l’armée polonaise de l’Ouest, Tadeusz Bor-Komorowski. Il revint en Pologne durant l’année 1946.
Il fut arrêté le 8 mai 1947 par la l’organisme de sécurité (police militaire) (« Urzad Bezpieczenstwa »- appelé aussi « Bezpieka ») et envoyé dans la prison de Mokotow à Varsovie, Il fut torturé, puis traduit devant un tribunal le 3 mars 1948. Accusé d’espionnage au profil du général Anders, de projet d’attentat à l’encontre de haut dignitaire de l’Etat Populaire de Pologne, de vol de bien public, de possession d’arme à feu, d’usage de faux papier ainsi que de ne pas s’être présenté à la police régionale, il fut condamné à mort et exécuté le 25 mai 1948 dans la prison de Mokotow
- Witold Pilecki lors de son procès, 1948:
Réhabilitation :
En 1990, à la chute du bloc de l’Est, le ministre de la Justice Aleksander Bentkowski a demandé à la Haute Cour de Justice d’analyser les condamnations prononcées durant les années communistes. A ce titre, Witold Pilecki fut réhabilité, et son procès considéré comme inadéquat avec les lois internationales. Un Tribunal Militaire spécial fut créé, et ce dernier invalida les condamnations à l’encontre de Witold Pilecki, en soulignant le patriotisme des condamnés.
Witold Pilecki reçut à titre posthume l’ordre de la Renaissance Polonaise (décerné aux personnes ayant contribué à « refaire de la Pologne un état Libre et démocratique ») en 1995, ainsi que l’ordre de l’Aigle blanc en 2006. Il fut nommé Colonel à titre posthume en 2013
Le Rapport Pilecki.
Ce nom est donné à l’ensemble des documents transmis par Witold Pilecki et par certains de ces codétenus d’Auschwitz sur les conditions de détention. Il est encore aujourd’hui l’objet d’une vive polémique. Il s’agit en effet du premier rapport que reçurent les alliés et qui mentionnaient explicitement des exécutions de masse ainsi que les premiers éléments de l’holocauste et de l’appareil de mort nazi. Pourtant, certains estiment que le rapport fut délibérément ignoré par les Alliés, ainsi toutes les tentatives entreprises par Witold Pilecki afin de faire parachuter des armes et des vivres dans le camp afin de fomenter une révolte. Certaines sources estiment que une action des Alliés (notamment de la Grande Bretagne), auraient pu contribuer à sauver de nombreuses vies. Ainsi, pendant de longues années, et encore parfois aujourd’hui, de nombreuses accusations sont lancés à l’encontre du MI6 et de la Grande Bretagne pour avoir ignoré le rapport transmis.
- Le rapport Pilecki, disponible en librairie:
Re: Prisonnier volontaire à Auschwitz
Sam 19 Nov 2016 - 21:59
Le courage de cet homme est plus que honorable, et malheureusement les tensions d'après guerre ont complètement éclipsés ses actes. Une histoire méconnue merci pour le partage
- SokolovFondateur et administrateur [REM]
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Re: Prisonnier volontaire à Auschwitz
Lun 21 Nov 2016 - 14:03
Incroyable histoire...
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